Vivre ou survivre ?

 

Vivre ou mourir ?


Il fait nuit. Froid. Très froid. Les passants marchent sans prêter attention à toi. À chaque respiration tremblante, à chaque inspiration incertaine, un petit nuage de buée se forme devant toi. Tu as faim. Depuis deux jours tu n'as rien mangé. Les semaines précédentes une petite association t'avait accueillie toi et ta famille dans un gymnase. Durant quinze jours tu as dormi au chaud dans un confort plus que précaire. Mais vous avez été chassés plusieurs jours après. 

Il fait nuit. Froid. Très froid. Tu as tellement faim. Tu regardes ta famille enlacée derrière toi. Ils dorment. Ils ne méritent pas cette vie. Personne ne la mérite. Vivre au jour le jour. Ou plutôt survivre au jour le jour. Rester ensemble. Face à ce monde tellement égoïste. Face à ce monde tellement injuste. 

Il fait nuit. Froid. Très froid. Tu te lèves en jetant un regard à ta famille. Tu vas chercher de la nourriture. Tu as tellement faim. Tellement mal. Le froid te mort et chaque pas fait te blesse un peu plus... Dans les lumières des devantures, dans les restaurants les gens mangent. Et toi tu as tellement faim. Tu marches un peu plus. Tu te retrouves devant une boulangerie. Quand tu pousses la porte un carillon retentit. La boulangère une femme d'âge mûre te regarde d'un air soupçonneux avant de prononcer des paroles que tu ne comprends pas. 

Tu hoches la tête et montre ta bouche. Elle te montre la porte du doigt. Tu ressorts.

Il fait nuit. Froid. Très froid. Tu marches les larmes aux yeux. Ce monde est tellement injuste. Les larmes que tu as retenues depuis si longtemps s'échappent et roulent sur tes joues. La morsure du froid est de plus en plus intense.

Tu marches vers ta famille toujours au même endroit endormie. 

Il fait nuit. Froid. Très froid. Tu te blottis auprès d'eux encore une fois. Le vent siffle autour de vous. Plus personne ne fait attention à vous. Vous n'existez pas aux yeux des gens. Vous n'êtes pas humains. Tu finis par te rendormir. 

Ce soir d'hiver, 2021, tu ne savais pas que tu t'endormirais pour la dernière fois. Tu ne sauras jamais que ta famille dormait à jamais quand tu es parti(e) chercher à manger. Tu ne sauras rien de tout cela mais tu sauras une chose.

Dans la rue, dans la vie, dans notre monde si cruel, c'est vivre. Ou mourir.


Un article écrit par Judith

 





Commentaires

  1. Merci Judith pour ce bref récit poignant bien sûr par son thème, mais aussi par sa construction qui crée une tension par le leit motiv tout cela nous fait ressentir la tragédie des êtres perdus dans un monde hostile.

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    1. Bonjour,
      Merci beaucoup pour votre gentil commentaire !
      C'est un plaisir de voir que nos articles réussissent à toucher les gens car c'est notre but et que les commentaires que nous recevons nous donnent encore plus de force, la force de continuer.

      Au revoir !
      Judith

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  2. un style qui nous projette dans le vécu de la personne, et nous saisi..bravo

    Jacques

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    Réponses
    1. Bonjour,
      Je suis très heureuse que vous ayez aimé la nouvelle.

      Au revoir !
      Judith

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