Interview de Gabrielle D.
Voici un interview de Gabrielle D., une infirmière qui s'est occupée des personnes migrantes, bonne lecture.
Aidez avec un sourire: Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Gabrielle: Je suis infirmière de Santé Globale, intervenant sur divers sites d'accueil
de jour ou lieu de résidence d'un public en situation de grande précarité sociale
(SAO, FU, Chrs…).
Je rencontre notamment des personnes migrantes lors de "consultations avancées"
sur ces diverses structures.
Aidez avec un sourire: En quoi consiste votre métier ?
Gabrielle: Rencontrer des personnes migrantes à leur demande où sur orientation d'un
travailleur social pour évaluer leur besoins en terme de santé, les orienter en fonction et/ou les
accompagner dans leur démarches autour du soin.
Évidemment, les besoins sont bien plus larges humainement que le soulagement
d'un problème purement physique.
C'est une "vraie rencontre", entre nos deux mondes bien souvent différents culturellement
mais très proche émotionnellement.
J'écoute leur histoire de vie, souvent terrible, parfois même insoutenable pour elles
comme pour nous,
mais les moments de joie et de rire partagés sont véritables et font du bien au cœur.
Aidez avec un sourire: Est t'il arrivé qu'une personne migrante soit extrêmement stressée
au point d'avoir peur de vous ?
Gabrielle: Non, quand je les rencontre, ces personnes sont déjà passées
dans de multiples services sociaux et ont confiance en nous, même si leur conditions et
histoire de vie sont toujours difficiles dans le stress de la suite surtout :
Attente de la validation de leur demande d'asile.
Aidez avec un sourire: Est t'il simple de communiquer avec les personnes migrantes ?
Parlent t'ils français ?
Gabrielle: Et non il n'est pas simple de communiquer car il y a des personnes de toutes
nationalités avec plein de langues différentes. J'utilise des applications de traduction,
des traducteurs bénévoles ou professionnels, des sites spécialisés, des documents et livrets
de santé dans diverses langues, leurs amis qui connaissent la langue et même leurs enfants
scolarisés depuis quelques mois qui apprennent rapidement le français.
Sinon, je mixe un peu d'anglais, d'espagnol et j'utilise le dessin ou le langage des mains et
mimiques. Je touche beaucoup les corps pour évaluer les douleurs par exemple.
Le toucher humain leur fait du bien s'il est autorisé dans leur culture.
Aidez avec un sourire: Y'a t'il beaucoup d'enfants ?
Gabrielle: Beaucoup pour les populations du Maghreb, les syriens qui ont fui en famille,
les familles d'Europe de l'est migrant économiques.
Beaucoup moins d'enfants issus de pays subsahariens car les voyages sont plus compliqués.
Les enfants naissent en France, (dans l'attente pleine d'angoisse et d'espoir des papiers
français de leurs parents).
Aidez avec un sourire: Qu'est qui vous a poussé à faire ce métier ?
Gabrielle: Accueillir, c'est merveilleux. C'est comme une petite fête quotidienne, personnalisée
et renouvelée à chaque rencontre. J'adore cela.
L'accueil chaleureux, bienveillant et respectueux détermine toute la suite de la relation de
confiance qui va se créer...
Aider et accompagner des personnes dans leur chemin de vie.
Pas facile de se débrouiller dans un pays inconnu. J'aime les rencontres, le partage et ça se
fait directement et facilement dans le travail médico social.
Je me sens utile et je vis des moments de grandes qualités émotionnelles.
Aidez avec un sourire: Avez vous aimé aidez les personnes migrants ?
Gabrielle: Oui et non.
Oui car ce sont de superbes et courageuses personnes pour la majorité.
Non car leurs histoires sont trop émotionnellement épouvantables parfois.
Quand ils me les confient, sans que je ne leur demande, ils revivent tout.
Et moi comme si j'y étais !
Beaucoup sont très angoissés, développent des maladies psychosomatiques, eczéma,
douleurs diffusés, difficulté à respirer, digestion difficile et surtout insomnie car la nuit,
tout leur passé les hante ainsi que la perte de plein d'êtres chers… Il y en a qui pleurent à gros
sanglots, d'autres qui sont bourrés de tics et se tordent les mains.
J'en ai même eu un qui se donnait des grands coups de poing dans la tête car il vivait un
cauchemar sans fin, ayant perdu tous ses proches.
Il avait eu ses papiers, sa carte de séjour de demandeur d'asile...mais il n'arrivait plus à être
heureux à cause de la souffrance de son vécu.
Personne ne pouvait l’aider, ça m'a traumatisée, alors je préfère ne plus travailler avec
ce public...Bien trop d'histoires tristes !
Suivez votre chemin pour redonner le sourire - donc espoir- aux malheureux que vous rencontrez.
RépondreSupprimerIl ne suffit pas de savoir ; ni de faire savoir; il faut agir en offrant de votre propre trésor jusqu"'à ce que vos protégés puissent eux aussi non seulement se relever mais aussi donner à d'autres; car on aura toujours des pauvres chez nous...
Vous n'êtes pas seules, les filles ! Bon courage.
FD